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Historique et évolution des aides à l’emploi dans le secteur culturel

De quelle manière les associations culturelles se sont-elles emparées des aides à l’emploi, comment les utilisent-elles aujourd’hui et quels en sont les effets sur le secteur ?

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Avec la montée du chômage dans les années 70 apparaissent des politiques spécifiques d’emploi : les premiers contrats aidés sont lancés en 1977 et depuis, tous les gouvernements ont eu recours à ce type d’instrument.
Ayant pour objectif de favoriser l’insertion professionnelle des personnes dites "vulnérables" face à l’emploi, ces contrats restent aujourd’hui l’arme anti-chômage préférée des politiques français.
C’est à partir de 1997 et la création des "Nouveaux Services - Emplois Jeunes" que se met en place un réel soutien à l’emploi associatif.
Ces mesures dont le nombre de bénéficiaires est en déclin depuis une dizaine d’années, ont connu une relative hausse depuis la crise économique de 2008-2009 (emplois d’avenir, contrats de génération, etc.).
Les annonces faites par le gouvernement Philippe en août 2017 et le remplacement des contrats aidés par les Parcours-emploi-compétences en janvier 2018 marquent une nouvelle période de déclin important de ces mesures.


FOCUS SUR LE SECTEUR CULTUREL :

Il existe peu d’études analysant la façon dont le secteur culturel associatif s’est saisi de ces aides depuis leur développement au milieu des années 80.
Des travaux ont essentiellement été menés pendant la période du dispositif "Nouveaux Services - Emplois jeunes" 1997-2002 (dont plusieurs travaux d’Opale à consulter en bas de cette page), celle-ci correspondant à un afflux important d’emplois aidés dans les structures culturelles.
Depuis, c’est au travers d’études plus généralistes qu’il faut analyser ces phénomènes et chercher à en dégager des lignes de force.

- Un "avant" et un "après" Dispositif Emplois-Jeunes*
Les associations culturelles se sont emparées des emplois aidés à partir du milieu des années 80, au moment de la création de dispositifs d’insertion professionnelle réservés au secteur non marchand, et ce, afin d’accompagner leur dynamique de développement, ou pour "amorcer ou accentuer une évolution vers le recrutement de personnels permanents".

Mais c’est surtout avec la création des "Nouveaux Services - Emplois jeunes" (NSEJ) en 1997 [1], que le secteur culturel associatif, et plus particulièrement celui du spectacle vivant, se saisit massivement de ces dispositifs, "moins pour tester des activités nouvelles que pour salarier les équipes nécessaires à la consolidation et au développement de projets ayant déjà fait leur preuve, souvent sur la base d’un important bénévolat".
En effet, il répondait aux attentes de ces structures en cela qu’il "affirmait d’emblée un objectif prioritaire d’appui à la création et à la pérennisation de nouvelles activités, et non d’aide temporaire aux chômeurs en difficulté".
Quelques chiffres sur les NSEJ du secteur culture le montrent (Source Cnasea, années 2000) :
• 11% de l’ensemble des emplois jeunes créés tous secteurs confondus
• 37% de l’effectif salarié sur un échantillon de 42 associations étudiées
• 42% de l’effectif des structures musiques actuelles étudiées par Opale
• 35 % pour les structures nouveaux territoires de l’art

Ce dispositif a constitué un élément déterminant pour le développement et la structuration du secteur culturel en cela qu’il a souvent permis d’embaucher le personnel nécessaire au développement de ses projets, auparavant bien souvent bénévole, et "bouleversé les frontières du champ de l’intervention publique en matière culturelle, sans que l’intention politique en ait été clairement formulée au départ : il y a eu invention de l’usage du programme".
Pour certains secteurs cette intervention a eu une portée encore plus significative : création du premier poste et augmentation des activités pour le secteur des arts de la rue et du cirque, création de nouveaux services, qualité de ces services due au recrutement de jeunes aux niveaux de formation élevés, permanence de fonctionnement due à la durée du dispositif (cinq voire huit ans), création de nouveaux métiers (combinaison de tâches liées à la gestion, à la technique ou l’accueil et l’information) pour celui des musiques actuelles.

La sortie du dispositif annoncée dès 2003 [2] a donc été plus ou moins problématique pour les structures culturelles puisque cela les privait d’une part de leurs ressources (en moyenne 9,6% du budget pour les structures musiques actuelles étudiées par Opale, 9,7% pour celles des arts de la rue et du cirque) et donc fragilisait leur activité.
Ces structures se sont alors tournées vers les autres aides à l’emploi mises en place par l’État et les collectivités.

*Sources et documents associés : cliquer ici

- La culture, un secteur fréquemment ciblé dans les politiques d’aides à l’emploi
La période succédant les NSEJ est marquée par une succession rapide des lois et "l’empilement" des dispositifs causés par l’urgence de la régulation à court terme du chômage. En 2010 est donc instaurée une simplification avec la création du contrat unique d’insertion, suivi en 2012 par les Emplois d’avenir et en 2013 par le Contrat de génération.
Le secteur culturel a souvent été cité comme propice à l’utilisation de ces dispositifs car considéré comme attractif et possédant un fort potentiel de création d’emplois : l’emploi culturel est donc potentiellement un élément d’insertion professionnelle.
A titre d’exemple, en 2009, l’État a fixé des objectifs quantitatifs de 10.000 contrats aidés afin d’accompagner la mobilisation pour l’emploi dans le secteur culturel.
En 2013, c’est le programme "500 emplois d’avenir pour les radios associatives" qui est mis en place.
Mais c’est surtout le Dispositif FONPEPS (Fonds pour l’emploi pérenne dans le spectacle) créé en 2016 par le ministère de la Culture et destiné aux entreprises du spectacle vivant et enregistré et aux artistes et techniciens, qui traduit la volonté du Gouvernement de favoriser l’emploi durable dans le secteur du spectacle, notamment en soutenant l’embauche en contrats à durée indéterminée et l’allongement des contrats à durée déterminée.

Pour les pouvoirs publics, ces dispositifs, en plus de lutter contre le chômage, sont également utilisés comme outils :
• d’accès à la culture : ils permettent de "sensibiliser nos concitoyens, les plus jeunes d’entre eux en particulier, à la richesse culturelle des équipements de leur territoire pour qu’ils se les approprient et les fassent vivre. Il doit également offrir de nouvelles perspectives professionnelles à des jeunes éloignés de l’emploi."
• mais aussi d’"amélioration de la capacité d’intervention des structures qui participent à la mise en œuvre des politiques culturelles" [3]

- Diagnostic des aides à l’emploi dans le secteur
Nous ne disposons que de peu de chiffres permettant de mesurer au niveau national la part de l’emploi aidé dans l’effectif salarié global du secteur culturel et son évolution. Toutefois, à travers certaines études, nous pouvons évaluer le nombre d’emplois aidés que le secteur culturel compte habituellement entre 8 000 et 10 000.
• Les travaux menés en 2005 et 2011 par Viviane Tchernonog sur le paysage associatif français font état que dans le secteur culturel, le pourcentage d’associations faisant appel aux contrats aidés était de 16% en 2012 contre 17% en 2005. A noter qu’en 2012, les associations culturelles employeuses représentent plus de 19% de l’ensemble des associations employeuses, mais que le nombre d’emplois salariés dans la culture est inférieur à 10% du nombre total de salariés associatifs.
• L’enquête menée par Opale en 2008 "Vers une meilleure connaissance des associations culturelles employeurs" : montre, quant à elle, que les emplois aidés représentaient en moyenne 17% de l’emploi salarié (hors emploi artistique) des associations interrogées.
• Les salariés en emplois aidés sont plus diplômés que dans l’ensemble des autre secteurs (les BAC+2 minimum représentent 44% des salariés contre 15% pour les autres secteurs (données extraites de diverses évaluations du programme NSEJ).
• Le taux d’insertion apparaît comme plus favorable dans le secteur de la culture que dans les autres secteurs (55% contre 50%) – (étude Dares à la fin des emplois jeunes)

Deux grands types d’utilisation de ces contrats aidés ont pu être ainsi identifiés à travers les divers dispositifs que nous avons connus et suivis depuis 20 ans :
• Les contrats aidés en appui au maintien ou au développement de la structure (plus nombreux)
• Les contrats aidés comme outil d’aide à l’insertion de publics éloignés de l’emploi

Ainsi, ces dispositifs d’emplois aidés permettent de répondre à plusieurs enjeux pour le secteur culturel et pour les personnes susceptibles d’être éligibles aux contrats aidés : résorber les difficultés d’insertion des jeunes diplômés du champ culturel, mais aussi ceux ayant un niveau BAC, ou encore d’aider des personnes très éloignées de l’emploi à se réinsérer.

- Quelques collectivités innovantes en matière d’emploi culturel et artistique
Quelques régions ont été pionnières en terme de mise en place d’aides à des postes qualifiés au sein des associations, souvent présentées comme une réponse régionale au désengagement de l’État avec la fin des emplois-jeunes.
Aujourd’hui, certaines régions proposent des dispositifs nommés emplois « tremplins », « associatifs » ou « solidaires », etc.

Même si elles sont peu nombreuses dans ce cas, certaines régions (Gironde, Paca) ont développé des aides spécifiques au secteur culturel, afin de soutenir un secteur qu’elles considéraient comme attractif et dynamique. Certaines de ces aides ont été testées de manières expérimentales puis abandonnées, mais d’autres subsistent toujours.
Pour connaitre les aides à l’emploi culturel toujours en vigueur, cliquez ici.



MAJ - février 2018


[1Ce dispositif s’adressait aux jeunes de moins de 26 ans en recherche d’emploi ainsi qu’à ceux de 26 à 30 ans sans emploi, non indemnisables par l’Unedic ou reconnus handicapés. Ces emplois de droit privé étaient subventionnés par l’État à hauteur de 80 % du Smic pendant cinq ans.

[2En 2002, la priorité est donnée aux aides à l’emploi dans le secteur marchand : le programme NSEJ est donc suspendu.

[3Extrait de la circulaire SG-DDAI n°2009/001 relative à la mise en œuvre du plan de mobilisation pour l’emploi dans le secteur culturel (2009)