Le vol en V des oies sauvages
Quand elles rejoignent au printemps leur territoire de nidification dans l’hémisphère nord ou le quittent en automne pour migrer vers la Méditerranée ou l’Asie, les oies adoptent une formation de vol en « V ». En battant de l’aile, l’oie crée un appel d’air, un courant ascendant favorable à l’oie qui la suit. Cette façon de faire augmente de 71 % l’efficacité du vol par rapport à celui d’une oie solitaire.
Quand le chef de la volée se sent fatigué, il quitte sa place pour se mettre à la fin de la formation, et une autre oie prend le commandement.
Et pendant le vol, toutes les oies caquètent pour encourager celles qui sont en première ligne et préserver la cadence.
Enfin, si une oie est blessée, malade ou trop fatiguée, et qu’elle doit quitter la formation, d’autres oies quittent aussi le groupe pour la protéger, l’aider à voler et l’accompagner jusqu’à ce qu’elle meure ou soit de nouveau capable de rejoindre le groupe. Elles reprennent alors leur place dans la volée ou créent une nouvelle formation en V.
Voilà donc une belle image d’Epinal pour décrire le gain d’efficacité par l’entraide, le leadership tournant, l’encouragement des dirigeants par leur base, et la solidarité active pour les plus faibles.
Les commentateurs ne font pas d’allusions métaphoriques, en revanche, sur la nécessité pour l’oiseau de s’engraisser un peu avant de partir, sur les raisons qui poussent la volée à suivre toujours le même trajet, sur le choix des escales, ou sur cette puissante motivation qui rend la migration de printemps beaucoup plus rapide et directe : le temps est compté pour les mâles, il leur faut regagner au plus vite les aires de reproduction afin d’occuper les meilleurs territoires et ainsi attirer les femelles les plus agréables.
Nous laissons nos lecteurs nous suggérer les commentaires de leur choix sur les motivations des oies sauvages.
Les hyènes s’organisent ensemble
Dans un article de Sciences et avenir intitulé « Coopération, les hyènes seraient-elles un modèle ? » [1], on apprend que les hyènes sont capables de comprendre qu’il faut tirer en même temps les deux bouts d’une corde pour attraper une nourriture. L’article révèle aussi « que les hyènes ne se comportent pas toujours de la même façon, cela dépend de leur partenaire et du contexte. Ainsi deux femelles dominantes sont moins efficaces pour coopérer, leur agressivité mutuelle empêchant l’entente, explique Christine Drea. Curieusement, lorsqu’elle se trouvait avec une « subordonnée » qui découvrait l’expérience, la femelle dominante plus expérimentée laissait son rang de côté et suivait l’autre hyène. Autre observation marquante : lorsque les hyènes étaient observées par leurs congénères, elles réalisaient leur tâche encore plus vite. Cela montre que les hyènes adaptent leur comportement au contexte social, relèvent les chercheurs. »
Autres cas de solidarité animale
Si les hyènes s’organisent ensemble pour attraper une nourriture qu’elles vont se partager, des cas de coopération témoignent de la solidarité ou de l’altruisme dont peuvent faire preuve certains animaux, pour nourrir un vieillard ou un blessé, aider une mère à accoucher, protéger leur semblable (voire un individu d’une autre espèce) d’un danger.
Darwin signale le cas de vieilles corneilles devenues aveugles et incapables de se nourrir, qui se font ravitailler par leurs compagnes ; Lamarck, celui de moineaux venus aider une couvée voisine à reconstruire son nid que des chenapans ont détruit. Des gorilles valides nourrissent leurs congénères aveugles ou handicapés, des chevaux ont été vus encadrer un autre des leurs et mâcher pour lui, avant de lui donner le foin que ses dents usées ne pouvaient plus broyer. Des dauphins sont reconnus capables de sauver leurs compagnons, en coupant à coups de dents les filins des harpons, ou en tirant les blessés hors des filets dans lesquels ils se sont empêtrés. Les jeunes mères sont assistées dans leur mise-bas par d’autres femelles - mère, soeurs, tantes ou amies - qui aident le nouveau-né à remonter en surface afin de respirer sa première goulée d’air. Les baleines, elles, sont capables de s’interposer entre un bateau de chasse et une baleine blessée, et de faire chavirer l’embarcation.
Et les fourmis ?
Les fourmis, évidemment, sont aussi source d’enseignements pour les apprentis coopérateurs ! Elles se répartissent les tâches entre elles, des reines coopèrent pour fonder de nouvelles fourmilières, obtenir des ouvrières plus rapidement et en plus grand nombre que les fondations concurrentes (mais attention, elles se battront ensuite à mort pour que l’une des deux règne seule !). Les fourmis coopèrent aussi avec les pucerons qui leur apportent du miellat en les protégeant des prédateurs. Elles inventent même la coopération forcée ! Une fourmi ouvrière de l’espèce Pachycondyla chinensi[2], quand elle trouve un morceau de nourriture trop lourd pour qu’elle puisse le manipuler seule, retourne à la colonie, agrippe une congénère avec sa mâchoire, puis la ramène près de son pactole (une coquerelle, par exemple). Ensuite, les deux travailleuses le démantèlent puis le rapportent au nid. La fourmi qui est transportée au butin reste complètement passive lors de l’opération, et les chercheurs n’expliquent pas encore comment elle s’oriente après son arrivée. C’est la première fois qu’un tel comportement est observé chez les fourmis.
De tels comportements sont-ils amenés à se développer dans la communauté humaine des porteurs d’initiatives de coopération dans le domaine artistique et culturel ?